Les Français dans la bataille de Normandie [1944 : la France libérée 1/4]

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 06 juin 2025

6 juin 1944. Le jour se lève sur les plages de la Côte de Nacre. Rebaptisées Utah, Omaha, Sword, Juno et Gold, elles s’apprêtent à accueillir le plus grand débarquement amphibie de l’histoire de l’humanité. L’opération Overlord est lancée. Des barges de débarquement au bocage normand, les français sont partie prenante de la bataille. Récit de ces semaines intenses.

Le 6 juin 1944, des soldats dans une barge des garde-côtes américains près des plages de Normandie. © Ministère des Armées

Au matin du Jour J, plus de 150 000 soldats alliés fondent sur la Normandie. Avec eux, 177 Français libres. Ils forment le commando Kieffer, du nom de leur chef, Philippe Kieffer. Trois ans plus tôt, ce dernier a créé le 1er bataillon de fusiliers marins constitué de Français volontaires. Ces soldats, entraînés à la dure école des commandos britanniques, sont intégrés au 1st Special Service Brigade, sous l’autorité de la 3e division britannique. Le plus jeune, né en Tunisie, n’a même pas 18 ans lorsqu’il découvre ce matin-là, pour la première fois, la terre de France. Pour cette poignée d’hommes, les ordres sont stricts : sitôt débarqués sur Sword, ils doivent nettoyer le secteur de Ouistreham et effectuer, sur l’Orne, la jonction avec les parachutistes de la 6e division aéroportée britannique qui ont sauté dans la nuit. Pierre Ernault est dans la barge 523. Il relate la traversée : « Des traînées de balles traçantes multicolores percent l’horizon. Cent mètres, cinquante mètres… Nos péniches, dans un grondement sourd, moteur à plein régime, foncent vers la plage inhospitalière. » Sur le pont, les hommes sont allongés. Les obus pleuvent et éclatent de tous les côtés. Les explosions sont assourdissantes. Laurent Casalonga vient d’avoir 20 ans. Il raconte : « J’ose lever la tête, la côte approche […] Quel spectacle. On se regarde et on sourit. Sourire crispé, peut-être, mais sourire quand même. C’est un feu d’enfer. »1 Sur la plage, la guerre fait rage. Les sapeurs du East Yorkshire Regiment, chargés d’ouvrir la voie quelques minutes plus tôt, se font massacrer. Les morts et les blessés gisent sur le sable. Les chars sont en feu. La mer est rouge de sang.

Vers 7 h 30, les barges françaises et britanniques touchent le sable. Les rampes s’abaissent. Après tant d’attente, les commandos posent le pied sur le continent. L’accueil est brutal. Les balles fusent.

« Nous courons autant que le permet le poids de nos sacs (30 kg) et de nos vêtements mouillés, alourdis par le sable qui s’y colle… Nous serrons les dents. »

Second maître fusilier Guy Hattu

Autour de 8 h 00, après s’être frayées un chemin entre les barbelés et les mines, les sections se regroupent. Pour ceux qui ont évité la mort, les combats ne font que commencer. Village après village, les troupes progressent. En début d’après-midi, les premiers objectifs sont atteints : les blockhaus de Sword et le casino de Ouistreham sont sécurisés tandis que la jonction avec les parachutistes anglais est faite sur le pont de Bénouville (Pegasus Bridge). 

De leur côté, les 200 000 résistants des Forces françaises de l’intérieur (FFI) lancent depuis l’aube des opérations de sabotage : 900 lignes électriques sont coupées et 200 voies ferrées sont endommagées. Les renforts ennemis, en particulier les divisions blindées, sont considérablement retardés, ce qui permet aux Alliés d’établir de solides têtes de pont en Normandie.

« La bataille suprême est engagée »

À midi, la voix tremblante du maréchal Philippe Pétain se fait entendre à la radio. Il demande aux Français de « ne pas aggraver leurs malheurs » en aidant les Alliés qui viennent de débarquer. « N’écoutez pas ceux qui, cherchant à exploiter notre détresse, conduiraient le pays au désastre. La France ne se sauvera qu’en observant la discipline la plus rigoureuse. Obéissez donc aux ordres du Gouvernement. » Pour les Français, le message est limpide : jusqu’au bout, le régime de Vichy va collaborer. D’ailleurs, dans la journée du 6 juin, Pétain se recueille dans les ruines de Saint-Étienne, encore sous le choc du bombardement allié du 26 mai qui a fait des centaines de morts.

 

Le saviez-vous ? 

Plus de 3 000 Français ont participé au débarquement du 6 juin avec les troupes alliées. Parmi eux : 177 fusiliers commandos, 38 parachutistes intégrés au Special Air Service, 2 600 marins, 227 aviateurs et les Spitfire de la Royal Air Force. Sans oublier les 200 000 maquisards et FFI.

En fin d’après-midi, le son de cloche est différent. Ceux qui parviennent à capter la BBC entendent la voix déterminée du général de Gaulle : « La bataille suprême est engagée ! C’est la bataille de France et c’est la bataille de la France […] Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes, voici que reparaît le soleil de notre grandeur ! » Ce que les auditeurs ignorent, c’est que ce discours n’est pas conforme aux attentes des Alliés qui envisagent, une fois la France libérée, de l’administrer militairement et de « dollariser » sa monnaie. Mais de Gaulle, à Londres pour suivre les opérations du Débarquement, refuse d’être le porte-parole des Anglais et des Américains. Sentant que l’avenir politique de la France se joue à ce moment-là, il débarque en Normandie le 14 juin 1944, avec la ferme intention de s’imposer comme le visage de la France libre. Après une visite au général Montgomery2, il se rend à Bayeux. L’heure est à l’exaltation. De Gaulle écrit dans ses mémoires : « Nous allons à pied, de rue en rue. À la vue du général de Gaulle, une espèce de stupeur saisit les habitants, qui éclatent en vivats ou bien fondent en larmes. Sortant des maisons, ils me font un cortège au milieu d’une extraordinaire émotion […] Nous allons ainsi, tous ensemble, bouleversés et fraternels, sentant la joie, la fierté, l’espérance nationale remonter du fond des abîmes. »

Le général de Gaulle salue la population libérée, le 14 juin 1944, à Isigny-sur-Mer, en Normandie. © musée de l’Ordre de la Libération

Soulager le front normand

Dès lors, les combats s’engagent durant tout le mois de juillet. Dans le bocage normand, les morts se comptent par dizaines de milliers de part et d’autre. Mais les troupes alliées progressent, bien aidées par les résistants français qui connaissent parfaitement le terrain. La percée d’Avranches, la contre-offensive allemande de Mortain, la bataille de la poche de Falaise sont autant de repères qui témoignent de la férocité des combats.

Le 1er août, la 2e division blindée (2e DB) du général français Philippe Leclerc débarque dans le secteur de Utah Beach. Composée de 14 000 hommes, elle est placée sous commandement américain, sous les ordres du général Patton, de la 3e armée, et du général Haislip, du 15e corps d’armée. Après quatre ans d’exil et de durs combats en Afrique du Nord, beaucoup retrouvent l’Hexagone avec l’envie d’en découdre. Leur mission : combattre aux côtés des Alliés et, officieusement, participer à la libération de Paris. Pour y parvenir, le flanc droit doit être couvert. Se pose alors la question d’un second front sur le territoire français. Winston Churchill y est fermement opposé. Son souhait est de débarquer dans les Balkans pour frapper les Allemands au cœur du continent. De son côté, de Gaulle désire accélérer la libération de la France par l’armée française, alors engagée en Afrique et en Italie. C’est finalement la Provence qui est retenue, en raison de ses hauts fonds et des fortifications du front méditerranéen, bien moins importantes qu’en Normandie. (Suite dans l’épisode 2.)

1 Benjamin Masdeu, Les Français du Jour J, Éditions Pierre de Taillac.

2 Officier britannique. Commandant de l'ensemble des troupes alliées lors de l'opération Overlord.

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